Cannes 2025 : le cinéma asiatique à l’honneur

L’édition 2025 du Festival de Cannes confirme une tendance désormais incontournable : la montée en puissance du cinéma asiatique. Des sélections officielles aux allées du Marché du Film, les productions venues d’Asie s’imposent. La Corée du Sud, le Japon, la Chine, les Philippines, le Vietnam, et surtout la Thaïlande, marquent les esprits et attirent un public toujours plus nombreux.

La Thaïlande affiche une présence solide à Cannes 2025, combinant une sélection artistique pointue avec une stratégie commerciale affirmée. Sur le front artistique, A Useful Ghost de Ratchapoom Boonbunchachoke est présenté à la Semaine de la Critique. Cette comédie noire fantastique est coproduite notamment avec la France, l’Allemagne et Singapour.

Du côté du Marché du Film, la délégation thaïlandaise réunit douze entreprises du secteur audiovisuel, parmi lesquelles :

👉 GDH 559, Kantana Motion Pictures, Idol Factory, The Monk Studios, Film Frame Productions, M Distribution, Waga Creative, Plah Blah Blah Productions, Tifa Studios, Mono Streaming, Night Edge Pictures et Sahamongkol Film International.

Ces sociétés présentent plus de 200 films, séries et animations — dans le but de séduire des acheteurs internationaux et conclure des accords de coproduction.

Le phénomène Boys’ Love

L’un des points forts de cette délégation est la mise en avant du genre Boys’ Love (BL), en plein essor. Les séries BL thaïlandaises séduisent un public international croissant et incarnent un levier de soft power pour le pays. Avec plus de 340 séries BL déjà produites, la Thaïlande a développé tout un système économique autour de ce genre. 

Elles sont en très forte demande auprès du public en Europe, Amérique du Nord et Amérique du Sud. Il est donc normal qu’elles aient éveillés l'intérêt de nombreux investisseurs.

Entretien avec Waga Creative 

Parmi les sociétés présentes au Marché du Film, Waga Creative attire l’attention avec sa série Make a Wish. Nous avons discuté avec l’équipe pour en savoir plus :

Pouvez-vous nous parler de la série que vous présentez au Marché du Film cette année ? Comment se distinguent-ils des autres contenus du genre Boys' Love ?

La série Make a Wish (saisons 1 et 2) se distingue des contenus typiques de Boys' Love (BL) à plusieurs égards, notamment par son mélange unique de fantastique, d'éléments paranormaux et de comédie romantique - une combinaison qui reste relativement rare dans les séries BL thaïlandaises. Ses principaux points de distinction sont les suivants :

• Le concept "Ange et vie après la mort": le protagoniste est un ange chargé d'aider les humains à se débarrasser de leurs affaires inachevées avant de mourir. Cette intrigue intègre des thèmes spirituels tels que le karma et la vie après la mort ainsi que l'amour, l'espoir et la guérison émotionnelle - des sujets qui ne sont pas couramment explorés dans les séries BL traditionnelles, qui se concentrent souvent sur la romance quotidienne ou la vie à l'université.

• Un récit ancré dans le don, pas seulement dans l'amour : Dans cette série, l'amour va au-delà des relations romantiques. Il met en avant les actes désintéressés, la compassion, l'acceptation et la libération émotionnelle - des thèmes qui ont un impact psychologique plus profond que les tropes romantiques typiques.

• Une atmosphère de drame paranormal : avec des scènes impliquant des anges, des esprits et le voyage entre la vie et la mort, le ton de la série est plus surnaturel et plus riche en émotions que les histoires de “tranches de vie” ou universitaires habituelles.

• Des personnages principaux dotés de pouvoirs et d'une mission:  les personnages principaux ne se contentent pas d'entretenir des relations, ils sont impliqués dans des missions importantes. L’ange Krit doit aider le Dr Pakphum à gérer sa capacité à voir les esprits. Ensemble, ils utilisent leurs pouvoirs et leurs mérites karmiques pour aider les autres, tout en faisant face à des limites et à des sacrifices personnels.

• Thèmes de la vie et de la mort : la série explore le poids émotionnel de la séparation et des questions non résolues à la fin de la vie, offrant aux téléspectateurs une expérience sincère qui va au-delà de la mignonnerie ou de l'excitation romantique.

  
  

Dans l'ensemble, Make a Wish est plus qu'une simple série BL. C'est une histoire d'espoir, de pardon et de libération émotionnelle, enveloppée dans un récit profondément significatif.

Votre participation s'inscrit-elle dans une stratégie d'exportation plus large ? Qu'espérez-vous retirer de votre présence à Cannes ?

Notre participation au Marché du Film de cette année est un élément clé de la stratégie de contenu international de Waga. Elle marque une étape importante dans l'introduction de la saison 1 de Make a Wish sur le marché mondial, avec l'objectif d'assurer une distribution plus large et des partenariats à l'étranger. En outre, notre présence à Cannes prépare le terrain pour la sortie de la saison 2 et d'autres séries BL à venir de Waga Creative, alors que nous étendons activement notre empreinte dans l'industrie mondiale des boys’ love.

Quel accueil attendez-vous des professionnels du secteur et du public international ?

Nous espérons recevoir une réponse positive et un intérêt accru de la part des fans internationaux et des acheteurs de contenu. En présentant Make a Wish à Cannes, nous souhaitons susciter un engagement significatif auprès du public mondial et des acteurs de l'industrie. En fin de compte, nous aspirons à porter davantage de nos histoires sur la scène internationale à l'avenir, en offrant un contenu diversifié et sincère qui trouve un écho auprès des téléspectateurs du monde entier.

Avez-vous déjà reçu des réactions sur le marché européen, en particulier en France, à propos de vos projets ou séries précédents ?

Nous n'avons pas encore reçu de réactions du marché européen, car Make a Wish n'a pas encore été officiellement diffusée sur les plateformes européennes. Cependant, nous espérons que notre participation à Cannes cette année sera l'occasion de présenter la série au public européen et aux acteurs de l'industrie, en particulier en France, et qu'elle ouvrira la voie à de futures collaborations et à l'expansion du marché dans la région.

Quelle image de la Thaïlande souhaitez-vous véhiculer à travers votre série Boys' Love ?

La série reflète l'identité culturelle de la Thaïlande à travers des croyances profondément enracinées dans la chance, les rituels spirituels, le karma et la vie après la mort - des éléments fondamentaux du bouddhisme thaïlandais - en utilisant des concepts tels que les "points de mérite" et les "missions angéliques", la série présente ces croyances traditionnelles d'une manière moderne et réaliste. Elle met également en lumière une société qui valorise la famille, les liens affectifs et l'altruisme.

La mission de l'ange, qui consiste à aider les humains dans leurs derniers instants, met en évidence les sensibilités émotionnelles des Thaïlandais : empathie, compassion et primauté de la vertu sur la réussite matérielle.

En outre, la série présente des lieux réels où les Thaïlandais se rendent couramment pour faire des vœux ou des offrandes spirituelles, tels que les arbres Bodhi, les maisons des esprits et les sites sacrés construits par l'homme. Cela renforce l'image de la Thaïlande en tant que "terre de croyance et de dévotion", reliant de manière unique les mondes spirituel et humain d'une manière qui semble authentiquement thaïlandaise.

Comment expliquez-vous l'essor mondial du genre BL et sa reconnaissance croissante lors d'événements internationaux tels que le Festival de Cannes ?

La prise de conscience et l'acceptation de l'identité de genre et de la diversité sexuelle à l'échelle mondiale ont largement contribué à l'expansion du genre Boys' Love au-delà de son statut de niche. Les spectateurs du monde entier sont désormais plus ouverts aux récits qui explorent les relations entre personnes du même sexe, ce qui permet aux contenus BL d'entrer dans la conversation culturelle générale.

Les séries BL modernes ont évolué, tant sur le fond que sur la forme. Elles ne se concentrent plus uniquement sur des éléments romantiques, mais approfondissent des thèmes émotionnels complexes tels que l'amour familial, les aspirations professionnelles, la perte personnelle, la pression sociétale et la nature multiforme de la croissance humaine. Ces thèmes universels trouvent un écho profond chez les spectateurs, quelle que soit leur orientation sexuelle, ce qui rend le genre plus inclusif et plus riche en émotions.

Les plateformes de diffusion en continu telles que Netflix et YouTube ont encore accéléré la portée mondiale du contenu BL en offrant aux créateurs la liberté de partager leur travail sans les limites de la diffusion traditionnelle ou de la censure. En conséquence, de nombreuses séries thaïlandaises ont acquis une popularité internationale, contribuant ainsi au "soft power" culturel de la Thaïlande et renforçant la visibilité du pays sur la scène médiatique mondiale.

Ces dernières années, les sociétés de production thaïlandaises ont commencé à investir davantage dans le genre BL, avec des budgets plus importants, une production de qualité professionnelle et des acteurs de talent. Cela a conduit à une augmentation notable de la qualité qui répond aux normes du divertissement grand public, ce qui leur a valu d'être reconnues sur divers marchés internationaux.

Enfin, la force de la communauté mondiale des fans de BL a joué un rôle essentiel dans le succès du genre. Grâce à l'engagement en ligne, aux événements organisés par les fans et aux campagnes de soutien internationales, les fans de BL se sont transformés en une puissante force culturelle, faisant du contenu de la BL non seulement un phénomène médiatique, mais aussi un contributeur significatif à l'économie créative mondiale.

Tous ces facteurs ont permis au genre Boys' Love de bénéficier d'une plus grande reconnaissance sur des plateformes prestigieuses telles que le Festival de Cannes, ce qui témoigne de sa pertinence culturelle et de son attrait mondial.

Conclusion : 

La Thaïlande vient déployer sa stratégie de rayonnement culturel national à Cannes. Que ce soit à travers un film engagé comme A Useful Ghost ou une série touchante comme Make a wish, elle vient marquer de son empreinte la scène internationale.

Alexandra Boiteux